Adel Abdessemed, plasticien, scénographe de « Retour à Berratham » d’Angelin Preljocaj

Adel Abdessemed-Angelin-Preljocaj-Retour à Berratham©Christophe Raynaud de Lage

Adel Abdessemed, artiste d’art contemporain de renommée internationale, a été sollicité par Angelin Preljocaj pour scénographier « Retour à Berratham », création pour la Cour d’Honneur, Festival d’Avignon 2015. Les deux hommes ne se connaissaient pas avant. Preljocaj suivait le travail d’Abdessemed. Lorsqu’il a eu le texte de Laurent Mauvignier en mains, le nom d’Abdessemed s’est imposé. Les trois artistes dénoncent chacun dans leurs oeuvres, avec leur art, le cercle vicieux de la violence qui enchaînent les individus qui la subissent. Mais dans la nuit brille toujours une étoile pourvu qu’on prenne la peine de lever la tête.

Adel Abdessemed répond à mes questions (réponses données par email, 22 juillet 2015) :

Est-ce votre premier travail avec un chorégraphe ? Oui

Avez-vous déjà créé des pièces pour d’autres artistes, tels que cinéastes, metteurs en scène ?

Non. En revanche, plutôt que d’autres artistes, ce sont des musiciens, performers, architectes, poètes, et très souvent des praticiens de différentes techniques, opérateurs de cinéma, animateurs de vidéo qui ont travaillé avec moi dans mes projets…

Est-ce que ce travail amène d’autres projets ou envie dans le spectacle vivant ?

Le spectacle vivant m’intéresse mais pour l’instant je n’ai pas d’autres projets dans cette direction-là…

Quels sont les points de rencontre entre vous et Angelin Preljocaj ?

Je ne sais pas exactement. Il était très déterminé à ce que ce soit moi qui intervienne… Nous nous sommes rencontrés, nous avons parlé… Il m’a raconté des fragments de sa propre histoire qui m’ont beaucoup touché. Sa sensibilité m’a beaucoup touché.

Je lui ai présenté mon projet de scénographie, il l’a accepté instantanément… Les points de contact peuvent être déduits lors du résultat final.

En quoi consiste votre travail de scénographe ?

La préparation d’une ambiance où l’action dramatique et chorégraphique pourrait se déployer.

Quelles étaient les contraintes ?

Le fait que la représentation ait lieu en extérieur, en Cour d’honneur, était un véritable défi pour Angelin Preljocaj.

Quelles étaient vos intentions ?

La création d’un lieu qui pouvait évoquer un paysage, qui s’adapte à l’action dramatique et chorégraphique, envers lesquelles j’ai pris une distance.

Quels sont les thèmes du texte de Laurent Mauvignier que vous avez retenus pour créer ?

L’évocation de la guerre, les marques qu’elle laisse sur le paysage; tous les passages où les effets de la guerre et de la violence ont ainsi marqué le déroulement de la narration.

Est-ce que la chorégraphie a eu une influence sur votre travail ?

D’une certaine manière, la danse fait déjà partie de mes oeuvres, mais la danse agit par d’autres moyens, visuels et plastiques.

Est-ce que le choix de la couleur noire est important ? Qu’avez-vous recherché ?

Déjà au commencement de mon art la noirceur est déjà une composante essentielle. Dans l’une de mes premières vidéos en boucle, « Ombre et Lumière », la fille se libérait d’un voile noir, pour chercher la lumière.

Et surtout, tous mes dessins, depuis toujours, réalisés à la pierre noire, proviennent de la noirceur.

Quelles sont vos références pour l’étoile ?

C’est la même étoile que j’ai utilisé pour mon oeuvre « Oui ».

Ici, j’ai pensé au monument évoqué dans le texte de Laurent Mauvignier : l’étoile comme monument de la Révolution.

C’est un signe important, alors l’éclairage, la forme et la position sont des éléments fondamentaux à sa présence.

Dans un paysage comme celui que j’ai construit, fait de voitures brûlées, de sacs poubelles et grillages de séparation, le seul signe positif est celui de l’étoile. Un monument déchiré , dont on ne sait pas s’il va s’effondrer ou s’élever…

Sans oublier qu’elle a aussi été le signe du culte de la personnalité, de l’idéologie de l’usine comme moteur du développement social, et tout cela finit dans des constructions en fil barbelé…

FIN

Lire l’avis de Catherine Zavodska sur le spectacle « Retour à Berratham » d’Angelin Preljocaj

Ecouter une interview intéressante d’Adel Abdessemed par Laure Adler pour France Culture (durée 44 minutes)

Voir la présentation d’Adel Abdessemed sur le site du Centre Pompidou

Image à la Une © Christophe Raynaud de Lage

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