Empty Moves I, II, III – la pureté du geste
Angelin Preljocaj avec ‘Empty moves’ redonne au mot performance tous ses sens.
Un spectacle vivant, dont le but semble de repousser constamment les limites du spectateur et des danseurs. Comme un test de résistance.
A l’origine des ces corps en mouvement, on trouve ‘Empty words’ une autre performance de John Cage, donnée un certain soir de décembre 1977 au Teatro Lirico de Milan. Le musicien y lit un texte du théoricien de la musique Henry David Thoreau, ou plutôt il assène à son public un série de mots et de phonèmes qui usent littéralement l’ attention. Sur la bande son, rejouée au théatre de la ville, on entend les borborygmes poétisants de Cage mais souvent et surtout les cris de rage d’ un public qui ne sait plus au juste ce qu’il doit comprendre.
C ‘est sur cette bande son, manifeste historique et provocateur du non texte et de la non musique, qu’Angelin Preljocaj a choisi de faire évoluer ses quatre danseurs. Deux hommes et deux femmes en tenue de répétition sur un scène dépouillée qui n’offre pour seul artifice qu’ une ligne oblique tracée au sol. Pendant presque deux heures, ils vont jouer de part et d’autre de cette ligne blanche, leurs pas de deux, de deux fois deux et de deux plus deux, jusqu’a l’épuisement. La danse est une écriture qui demande beaucoup d’efforts. Dans Empty moves, on sue, on s’essuie, on boit à même la bouteille, comme pour mieux donner la mesure des corps au travail.
Sur cette scène sans décor , cette musique sans mélodie et ce texte sans histoire, le chorégraphe semble avoir trouvé un plaisir immense à travailler la dynamique des corps qui s’enlacent et se délaissent dans une gestuelle parfaite. Chaque corps répond a son double masculin/féminin dans un mouvement de balancier . On est ébloui car la chute peut alors devenir aérienne,et la résistance , une mécanique de précision. On est pris d’ effroi lorsque les corps féminins ne semblent plus répondre qu’ à la seule force de la pesanteur. Les poupées sans vie sont alors manipulées par les deux danseurs. Mais leur abandon n’a d’égale que la justesse de leur reddition annoncée.
En toile de fond John Cage continue de râler comme une mauvaise drogue. Mais, dans la salle très policée du Théâtre de la Ville, personne pour crier à l’unisson du Teatro Lirico.
La répétition se fait torture. Elle bégaie et n’arrive plus à s’ arrêter. On sent la fatigue. Puis le mouvement revient avec une nouvelle énergie nous proposant de nouvelles variations magiques de deux corps dont on n’imaginait pas qu’ils puissent si bien s’imbriquer pour se relancer. Il ne semble plus y avoir de notion de temps dans ce spectacle qui se joue de la fatigue. Pour les danseurs , qui évoluent sans aucun repère musical et rythmique, l’exercice a vraiment les traits d’une performance.
Et alors que la scène et la salle semblent reparties pour une nouvelle salve, les artistes en nage s’éclipsent au signal d’une lumière qui s’éteint. Le spectacle semble juste interrompu.
Frédérique Lebel, journaliste à Radio France Internationale, pour l’émission Accents d´Europe. Passionnée de danse.
Voir le calendrier de la tournée du Ballet Preljocaj pour ne plus manquer cette pièce : Cannes, Brive, Marseille et l’étranger
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Se perdre dans la galerie photos d’Empty Moves (Flickr)
Voir quelques extraits de répétition sur la chaîne YouTube de DanseAujourdhui :
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