« Basic » d’Ousmane Sy fait entrer une culture de Club sur scène

Ousmane Sy ©DR

Basic, création d’Ousmane « Baba » Sy le vendredi 27 novembre 2016 à la Maison Daniel Féry

Plus que d’une création, Ousmane préfère nous parler d’un projet : « J’ai une définition de la création qui part d’un point A à un point B, et moi j’ai pas un point A à un point B, j’ai juste des émotions». Le projet de danse d’Ousmane Sy est en perpétuel mouvement il ne souhaite pas le figer.

Ce projet c’est « Basic » qui se monte avec un DJ, Dj Sam One sur les techniques de club. Ousmane s’inspire de la danse House qui est née dans les clubs aux Etats-Unis. Basic sera le socle de tous les essentiels de la danse House, sans être un récit de l’histoire de la House, selon la vision personnelle du danseur et il insiste beaucoup sur ce point. Il ne s’approprie pas la danse House mais en propose sa lecture, son propre ressenti. Encore une fois, cette vision est symptomatique du hip-hop. On ne s’approprie pas les différents styles, on en propose sa version personnelle.

–  Premier élément essentiel pour Ousmane Sy : avoir le DJ sur scène, en live (pour certaines parties en tout cas). Le DJ c’est le noyau du club : avec sa musique, il enveloppe la salle dans son ambiance et fait bouger et danser les gens.

Deuxième élément : réunir différents styles pour représenter la diversité des danseurs dans les clubs, à chacun sa manière de danser.

Troisième élément : que la création puisse se renouveler à chaque représentation. Les clubs sont un endroit ou des gens se rencontrent et apportent leur propre manière de danser. C’est ce qui sera donné à voir scène.

 

Un projet avec au moins 4 danseurs autour d’une danse de club

Ousmane « Baba » Sy a connu cette culture en club et c’est une danse qu’il a découverte à travers d’autres personnes sur cassette vidéo. Avant Internet, avant Youtube, les infos ne circulaient pas aussi facilement et un jour il est tombé sur cette cassette qui l’a scotché. L’énergie de la danse lui a plu alors il s’est plongé dedans et l’a mélangé avec l’énergie du hip-hop qu’il avait déjà. Ce nouveau mouvement, il l’amène dans son groupe (Wanted Posse, Serial Stepperz, Paradoksal) qu’il associe avec toutes les influences de danses qu’ils peuvent fédérer ensemble (hip-hop, contemporain, afro) pour en faire quelque chose de contemporain sur de la musique contemporaine c’est à dire électro.

 

A partir d’une base définie et écrite, le DJ développe chaque soir des choses différentes sur certains tableaux pour que les danseurs soient en complète connexion/fusion avec la musique comme on peut l’être en club. C’est le DJ qui donne « l’impulse » aux danseurs.

 

Lorsque j’interroge Ousmane Sy, deux danseuses répètent. Ma question se tourne alors vers les différents interprètes du projet Basic. Sa réponse : « Je danserai peut-être, tout dépend de la vibe du DJ, il peut m’arriver de danser comme il peut m’arriver de ne pas danser, il pourra lui arriver de danser (il désigne une des danseuses), comme il pourra lui arriver de ne pas danser, il pourra t’arriver de danser (il me désigne) comme il pourra t’arriver de ne pas danser ». Le moment T décidera de ce qu’il se passera le soir de la représentation. Il peut arriver que des personnes du public soient invitées à danser tout comme il peut arriver qu’Ousmane, le chorégraphe, ait envie de performer avec les danseurs.

Dans « Basic », tout semble être une question de feeling, d’osmose avec le DJ et l’ensemble de la salle c’est à dire les danseurs + le public. Il s’agit d’une pièce qui semble privilégier la spontanéité du mouvement et du danseur à l’image de la spontanéité de ceux qui viennent s’amuser et danser en club. « Le nombre de danseurs est défini, pas le nombre de « guests » (d’invités) ». A découvrir le jour J !

 

Retrouvez ici « Clubbing », un autre projet d’Ousmane Sy qui met en scène non pas 4 danseurs pro mais 25 danseurs amateurs autour de la danse de Club. DJ Sam One qui mixera pour Basic est aussi sur scène.

CLUBBING | OUSMANE SY | MPAA from GARDE ROBE on Vimeo.

 

Des artistes choisis pour leurs qualités uniques et la maîtrise de leur art

« Il faut que ça soit des gens qui se combinent bien, j’ai pas envie d’avoir des danseurs identiques. Pour moi, c’est la différence qui amène quelque chose d’unique ». L’artiste recherche un équilibre entre les danseurs : ce qu’il ne trouve pas chez l’un, il le retrouvera chez un autre et ils se complèteront pour former quelque chose d’unique.

La première danseuse s’appelle Jade, elle vient de Strasbourg. A 18 ans, elle arrive à Paris pour faire une Ecole de Danse classique, contemporaine et jazz. « Mais avant ça je dansais hip-hop, enfin je savais pas trop ce que je faisais mais je freestylais en tout cas ». En venant à Paris, elle apprend toute la culture hip-hop. A travers les battles et événements,, elle découvre le travail de Babson (autre surnom d’Ousmane Sy) qu’elle suit et elle finit par travailler avec lui.

La seconde s’appelle Odile. Elle commence par le hip-hop avant de découvrir la House. Il y a trois ans, elle entre dans le groupe Paradox-sal de Babson et travaille avec lui depuis. Lorsque le projet de Basic naît, Babson fait appel à elle.

Deux autres danseurs, absents ce jour, rejoindront Jade et Odile pour les représentations de Basic. Ce projet se construit depuis un an, pendant des petites périodes de résidence. Sur la chorégraphie, chaque danseur a son mot à dire. Le chorégraphe donne une direction, celle de son approche personnelle de la House et les danseurs y mettent leur pâte. « Pour moi être chorégraphe ce n’est pas donner du mouvement, c’est comprendre le danseur pour le mettre dans les meilleures conditions ».

Très tôt Babson commence la chorégraphie, même avant de vraiment rentrer dans la performance. Les deux lui sont nécessaires pour exister, les battles comme la création chorégraphique. Et il ajoute que si on veut faire comprendre la culture hip-hop, on doit la déplacer et ne pas la garder dans un seul endroit. Babson recherche une transversalité, un équilibre entre ces deux pratiques de la danse hip-hop.

Avec Basic, le Ousmane Sy essaie justement d’amener l’esprit des battles sur scène, grâce au DJ notamment

Sa seule crainte de la création, c’est de tomber dans la récitation pure et plate d’une partition chorégraphique. Elle donne certainement de bons interprètes, mais pas de bons danseurs. Les émotions s’interprètent machinalement et le danseur n’est jamais mis en « danger » par rapport aux émotions qu’il pourrait transmettre. C’est là qu’intervient la spontanéité de l’esprit des battles mais surtout celui des clubs finalement qui pousse les danseurs à se dépasser, à être au meilleur d’eux même et à être conscients de leurs propres mouvements pour mieux les ressentir et les faire ressentir au public.

Le plus important reste la musique, c’est elle qui donne la première émotion, le premier battement, ainsi le danseur peut s’exprimer à sa manière. Le DJ sur scène est orchestre de la chorégraphie et du ressenti des danseurs.

Pour Babson, un bon danseur est capable de créer. Un danseur qui maîtrise son art, sans être forcément virtuose, est capable d’en parler alors il est capable de créer à partir de cet art.

 

Les difficultés que rencontre la nouvelle scène hip-hop

Babson me dit que trouver des lieux de résidences de création est très compliqué. La création serait-elle réservée à une élite ? Et en attendant un « business parallèle » se développe, parce que « chaque pouvoir a un contre-pouvoir », les gens se détachent de plus en plus du théâtre pour créer ailleurs dans de nouveaux types d’événements. De plus en plus de monde, et notamment les plus jeunes, délaissent la création parce que les portes se ferment, parce qu’on ne les aide pas et que cela demande le double d’énergie que d’aller « faire un show tv, une battle… ». C’est pourquoi en terme de création, on assiste aujourd’hui de plus en plus au développement de chorégraphies de 4 à 5 min dans des événements dédiés à cela comme par exemple « Hip-Hop International » décrit comme le plus grand concours chorégraphique de danse hip-hop. Toute cette jeune génération se désintéresse complètement de ce qui se passe dans les théâtres, aussi parce que les théâtres ne s’intéressent pas à eux.

« Aujourd’hui on demande à des jeunes de 12-13 ans, vous savez où c’est Chaillot ? Ils ne pourront pas vous répondre. Vous connaissez la compagnie Käfig ? Ils ne savent même pas qui c’est ». Selon Babson, il existe donc un fossé entre la jeune génération certainement aussi talentueuse que les plus anciens et la création chorégraphique contemporaine même hip-hop.

Comme nous le disait déjà Meech dans son interview, à l’étranger tout se passe bien. Il y a une vraie reconnaissance parce que selon Babson, le hip-hop est plus jeune à l’étranger donc la France qui a construit sa culture hip-hop depuis plus de 30 ans a une grande légitimité. En Suède par exemple le hip-hop y a émergé depuis une dizaine d’années, donc leurs projets sont pleins d’enthousiasme, de nouveauté et ils mettent beaucoup plus de moyens qu’en France aujourd’hui. En France, les compagnies de hip-hop sont les mêmes qu’il y a 20 ans, comme si les choses n’évoluaient plus.

 

La transmission, différente de la formation

L’importance de la transmission de la danse revient une nouvelle fois. « C’est la base ». Ousmane Sy m’explique alors la différence qu’il établit entre transmission et formation. La formation on paye pour avoir des infos, pour apprendre des pas alors qu’une transmission elle garde ce côté « grand-frère » qui est chère à la culture hip-hop. La transmission se fait au sein d’un groupe, des plus anciens vers les plus jeunes ou même sur une même génération en échangeant sur les expériences de chacun. « La transmission est une valeur qui dépasse la danse ». Elle est beaucoup plus personnelle que la formation qui consiste à enseigner une technique tout simplement.

 

NB : La house dance se développe en fait juste après le mouvement disco à Chicago aux Etats-Unis, elle viendra en France beaucoup plus tardivement.

Pour voir en avant-première « Basic » d’Ousmane « Baba » Sy le 27 novembre 2015, réservez ici.

Programme du Festival Les Premières Scènes (cliquez sur la date pour réserver) :

– Ghost Flow, Michel « Meech Onomo » / Basic, Ousmane « Baba » Sy Vendredi 27 novembre 2015
– Weakness, Philippe « Physs » Almeida / Duo Soria Rem et Mehdi Ouachek Samedi 28 novembre 2015
– Brunch Hip-Hop, goûtez à l’esprit hip-hop pour un moment convivial ! Entrée libre Dimanche 29 novembre 2015

LE PLUS : Samedi 28 novembre 2015, de 16h à 18h Ousmane « Baba » Sy donnera un stage de house dance, pour les danseurs occasionnels et confirmés à la Maison Daniel Féry (à 7min du RER Nanterre Université). Entrée 5€. Réservation auprès de Léa au 06 29 79 13 92 ou lea.finot@mairie-nanterre.fr

Image à la une : Ousmane « Baba » Sy ©DR.

Julie Gortani
Chargée de communication
julie.gortani@gmail.com

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