Huit danseurs, tous des hommes, qui paraissent tantôt presque semblables, tantôt parfaitement dissemblables, selon leur position sur la scène, l’éclairage, leurs pas.
Les uns sont barbus, les autres glabres, trapus ou élancés, bruns ou blonds… mais ils reviennent périodiquement à une phase de ressemblance, comme s’ils étaient les clones d’un modèle original que l’on ne parviendrait pas à identifier. On se souvient alors de façon fugace de Blade Runner et de ses « réplicants ».
L’alternance du mimétisme et de la différence constitue l’un des leitmotiv de la chorégraphie, les individus se rapprochent, formant des figures géométriques, se frôlant, fusionnant jusqu’au cercle, puis au point (poing ?), qui s’ouvre de nouveau, s’agrandit tel un bourgeon devenant fleur puis pétales. Les figures d’alliance, d’union de singletons, de paires, de triplés, rappellent les formations du réseau neuronal par la projection sinueuse de synapses, comme autant d’idées de mouvement, de pas, qui peu à peu, à force de répétition, font danse, vague, unité.
Le choix de faire danser seulement des hommes se comprend alors : leur ressemblance apparente, y compris vestimentaire, permet une coagulation plus rapide vers le groupe tout en laissant apparaître, dans les phases de dissolution, d’éclatement de ce même groupe, leurs différences, leurs oppositions, leurs singularités.
Les percussions des deux batteurs partiellement dissimulés par leurs caisses et cymbales organisent progressivement l’ordre, en imposant une rythmique crescendo, vitale, qui peut évoquer le son du flux-reflux sanguin, qui rappelle le Heroin du Velvet, jusqu’au paroxysme, une tachycardie fatale, qui pourtant est franchie par le groupe, avant sa redescente progressive vers l’apaisement, la douceur, traduits par l’effleurement des cymbales, le crissement sur les peaux des tambours, les roulements étouffés, quasi imperceptibles des sticks sur le métal.
Ces 10 hommes sur scène transmettent et partagent avec le public leur énergie et sa transcendance. Nous n’étions plus un soir d’hiver 2015 dans la Maison de la Musique de Nanterre, mais quelque part près de la Méditerranée, il y a très longtemps, assistant à la naissance des premières chorégraphies. Pendant que les sens sont captivés par les rythmes et les figures qui s’enchaînent, l’esprit se nourrit de pensées ancestrales qui ressurgissent spontanément.
Frédéric
Vu à la Maison de la Musique de Nanterre – 29 janvier 2015
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Crédits-photo : Marc Domage
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