Entretien avec Hagson au sujet de son parcours et de sa nouvelle création, Hybride
En vue du Festival Premières Scènes #2 à la Maison Daniel Féry de Nanterre, du 2 au 4 décembre 2016, j’ai eu l’honneur d’interviewer un des fondateurs du groupe Wanted Posse, triple Champion du Monde de la Battle of the Year, un monument vivant du hip hop.
Hagson, comment es-tu devenu danseur ?
Avant d’être Wanted, j’étais formé par Ahmada (Badson). Petit, j’ai toujours dansé en regardant les clips, de Michael Jackson par exemple. Grâce à mon frère qui m’a poussé à aller à m’entraîner, j’ai rencontré Ahmada, j’ai tout de suite accroché, j’avais 12 ans. Tous les week-ends, on allait s’entraîner à la MJC de Noisiel, de Torcy. On faisait des chorégraphies à deux, trois… avec Ahmada, Youssouf, Hugues…jusqu’à faire un groupe, les Wanted Posse.
Tu pensais pouvoir en vivre un jour ?
Non, pas du tout ! Par exemple en 1996, au premier festival hip hop de la Villette, on avait un spectacle de 20 minutes. Nous étions dans le spectacle, c’était du plaisir. On n’était dans notre petit monde à s’entraîner, à créer beaucoup de matières. En faisant des spectacles devant un public, avec le stress, l’adrénaline, en sortant pour faire des défis, on a pris goût au challenge. Cela nous donnait envie de rechercher de nouveaux mouvements en voyant ce qu’étaient capables de faire les autres. Les parents attendaient de nous d’être concentrés sur les études, nous n’imaginions même pas gagner notre vie avec la danse.
Comment est venu le succès ?
Dans les années 1990 et début 2000, les défis de danse (ancien terme pour désigner les battles) étaient individuels. On a été connus parce que nous étions les premiers dans notre monde à faire des compositions hip hop, c’est-à-dire une déclinaison de solos et d’ensembles, d’une combinaison de gestes reliant les danseurs (accro, portée etc.) (les danseurs hip hop dansaient seuls ou dansaient ensemble la même choré). C’est ce qui a marqué les gens. Nous faisions le spectacle.
En 1997-99, dans l’underground (soirées fermées), tous les danseurs nous connaissaient déjà.
En 1999, en battle à Bercy (auj. Stade Arena), nos combinaisons, par exemple un salto au dessus de 5 personnes debout penchées, c’était un vrai spectacle. On a été connus sur Paris à ce moment-là. On a été sélectionnés pour le Championnat de Paris, on a participé au Championnat de France, que nous avons gagné puis le Mondial.
En 2001, en Allemagne, les Wanted Posse gagnent pour la première fois le Championnat du Monde Battle Of The Year. Le Championnat avec ses 12 000 spectateurs et le DVD nous ont fait connaître à l’international. Notre concept de la danse a été repris, c’est devenu une base de la danse hip hop actuelle. On a contribué à l’évolution des ensembles de danseurs en compétition.
Être champion du monde, cela vous a fait vivre ?
Les compétitions ne font pas vivre. Seul le N°1 touche une somme. Aussi nous étions 8, il fallait partager. Après on a été invités au Japon, en Allemagne, à Miami, Espagne…on était invités tous frais payés. Pour gagner ma vie, je travaillais dans une imprimerie et je vivais la danse comme une passion.
Aujourd’hui, tu peux vivre comme intermittent si ton spectacle tourne dans les théâtres. Sinon si tu es connu en compétitions, tu peux vivre des cours ou des stages que tu donnes. Certains danseurs de Wanted voyagent énormément et gagnent leur vie en donnant des stages et des cours.
Voir le palmarès des Wanted Posse
Quand as-tu commencé à gagner ta vie en tant qu’artiste ?
Être Champion du Monde nous a permis de faire des rencontres qui ont ouvert notre horizon. Suivant les conseils d’un manager de compagnie, nous créons Bad Moves en 2003, notre premier spectacle pour les théâtres, notre coup de cœur. On a dépassé les 100 dates, le spectacle a tourné partout dans le monde, au Canada, Japon, Australie etc. C’est avec cette pièce que nous avons pu accéder au statut d’intermittent.
Et en France, où avez-vous été accueillis?
A la Biennale de Lyon, à Montpellier Danse, plusieurs fois au Festival de Suresnes avec chacune de nos créations…
Comment les Wanted Posse sont restés une référence dans l’univers hip hop ?
Nous, on cherche à évoluer, les rencontres avec l’extérieur nous ont fait découvrir d’autres univers. Par exemple, le travail de Dedson et Yamson des Wanted avec Kamel Ouali aux Folies Bergères ou pour la comédie musicale Les Dix Commandements. Moi, par exemple, j’étais chorégraphe d’une revue pendant 4 mois aux Folies Bergères, j’ai du apprendre à travailler avec une quarantaine d’interprètes de formations différentes (jazz, modern, tango, french cancan, flamenco…).
On se donnait la force dans notre groupe en revenant avec ce qu’on avait appris avec d’autres. Au fur et à mesure des créations (six aujourd’hui), on a acquis une bonne méthode de travail.
Tu vas présenter la version longue de ta nouvelle pièce, Hybride, pour la première fois, au Festival Premières Scènes #2 à la Maison Daniel Féry de Nanterre. Comment est née cette association inédite entre avec un guitariste classique et deux danseurs hip hop?
J’ai rencontré un cinéaste suisse, qui a tourné des images pendant mon événement Le Cercle Underground à l’Académie Fratellini. A l’occasion de la projection privée, le compositeur de la musique du film est venu à moi. Bruno Dias avait déjà vu les Wanted Posse à l’émission de M6 Incroyables Talents en 2013. Il nous avait vu sur les affiches dans le métro qui annonçaient notre spectacle à la villette dans le cadre de nos 20 ans. Il a toujours voulu faire un projet avec des danseurs. Il m’invite chez lui et joue devant moi pendant une heure. J’ai trouvé le mec vraiment fort, virtuose. Je lui montre nos vidéos et d’un coup, comme ça, il me rejoue à la guitare en live les morceaux de musique de nos spectacles. Nous, les Wanted, on ne joue que sur maquettes musicales. Après 6 de créations, on a besoin d’évoluer et de trouver d’autres choses. En rentrant, j’en parle aux danseurs, Ibrahim N’Joya et Mame Diarra. J’ai invité Bruno (Dias) chez moi, on fait une séance de travail avec les danseurs. On a vu que cela fonctionnait et on a démarré.
En savoir + sur le spectacle HybrideQu’as-tu appris en travaillant avec un musicien live ?
Cela nous a confirmé que nous pouvions danser sur tout, sur des musiques classiques comme contemporaines, qu’on pouvait s’adapter à cet univers.
Au niveau de la sensation, la musique live est pure. Après la création d’Hybride, on a fait un autre spectacle de 50 minutes avec Bruno Dias et un quatuor à cordes, un piano, une guitare classique et un DJ. Avec la musique live, j’ai vu des gens pleurer, il y’a plus d’émotions. Retourner à travailler sur maquette, cela me fait bizarre.
Quels types de soutien la maison Daniel Féry t’a apporté ?
La mise à disposition d’un lieu pour travailler et finaliser le spectacle. Toute la création lumières avec un régisseur lumières s’est faite à Nanterre.
Présenter sur scène un spectacle pour la première fois est essentiel. On voit ce qui marche en analysant l’interaction avec le public, en écoutant les critiques des gens, les retours techniques. La première étape est toujours importante
Suite à notre passage lors de la première édition du festival fin 2015, Sandrine Deguillem, la programmatrice, nous a aussi décroché des dates.
Entretien avec Catherine Zavodska, DanseAujourdhui, 15 novembre 2016
Pour plus d’informations sur le groupe Wanted Posse :
Visionner la chaîne YouTube des Wanted
Aimer la page Facebook des Wanted
Consulter le site officiel des Wanted
Lire un article récent de Telerama
Crédits photo à la Une : portrait de Hagson©Mooh et Hybride©Durmam
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