La Place, c’est quoi ? Le premier centre culturel Hip Hop à Paris

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Le Hip Hop irrigue notre culture en France

Le Hip Hop transcende les frontières géographiques, sociales, générationnelles, disciplinaires… Le mouvements artistique du Hip Hop enrichit la culture de millions de personnes en France et dans le monde, dans des proportions bien supérieures à celles de la musique classique, voire du rock. En France, malgré notre formidable modèle de financement public de la culture, les disciplines artistiques du Hip Hop se sont développées en autonomie par rapport à ce système pourtant jugé vital et inégalé dans le monde.

40 après son émergence, le Hip Hop voit émerger un lieu unique à ce jour, La Place, comme un symbole fort de la reconnaissance publique. C’est le lieu culturel en France actuellement le plus innovant du point de vue de son ambition qui, je l’espère, fera des émules. Son ouverture en septembre 2016 est passée presque inaperçue auprès du grand public alors que son objet, la culture Hip Hop, son modèle économique d’indépendance, le lieu choisi de son installation au coeur du Grand Paris constituent autant de sujets d’intérêt passionnants.

La reconnaissance publique de Paris comme le centre de développement mondial du Hip Hop

Jean-Marc Mougeot, dit JM, Directeur général et Directeur artistique de La Place, répond aux questions de Catherine Zavodska, DanseAujourdhui.

Comment a émergé l’idée de créer un centre culturel Hip Hop ?

JM : En 2011, Marion Boyer, Directrice de cabinet du Premier Adjoint à la culture, Bruno Juillard, a souhaité me demander mon avis dans son processus de consultation sur la création d’un lieu Hip Hop aux Halles. Elle m’explique qu’il y a une volonté du maire de l’époque, Bertrand Delanoé, d’ajouter des équipements culturels et de rendre plus visibles ceux qui existent, dans le projet de reconfiguration du Forum des Halles. Au départ, se posait la question d’allouer une superficie de 200m2 à un nouvel espace Jeunes. Au fil des nombreuses consultations, de table-rondes, émerge l’idée de créer un espace pour la danse Hip Hop. Mais les discussions font émerger le besoin de s’intéresser à toutes les disciplines, qui constituent la culture Hip Hop. Ce fut un combat pour obtenir plus de mètres carré dans un contexte où tous les équipements et tous les magasins en veulent plus, alors qu’aucun lieu Hip Hop de référence n’existe, ni en France, ni dans le monde.

Marion Boyer a compris au fil des rencontres avec des acteurs très divers ce qu’est la culture Hip Hop et La Ville de Paris a compris sa chance d’avoir un mouvement Hip Hop si fort en région parisienne.  J’aime ce projet parce qu’il s’est construit dans la rencontre. Elle a compris que le monde du Hip Hop est vivant et connecté. Elle a rencontré plein de gens, elle a beaucoup voyagé, jusqu’à New-York, mais c’est l’intelligence, l’intuition, qui l’a emmenée avec l’équipe municipale à comprendre que pour la Ville de Paris, créer un centre culturel Hip Hop serait un axe fort de valorisation de ce courant artistique.

La Place est très clairement une volonté politique portée par une intuition très forte. C’est le produit d’une rencontre entre des gens clairvoyants.

Jean-Marc Mougeot © La PLace

JM © La Place

Qui a dirigé le projet ? Qui dirige La Place depuis son ouverture en septembre 2016 ? Jean-Marc Mougeot

Est-ce qu’il y’a un lien, JM (Jean-Marc Mougeot) entre le fait d’air été danseur et le succès du projet La Place ?

JM : Le fait d’avoir été danseur, chorégraphe, a peut-être influé sur le côté challenge, dépassement, invention.  Mais c’est surtout l’accumulation de toutes les expériences que j’ai eues : gestion d’une compagnie, gestion d’un magazine, émission de radio, gestion d’un club, l’ex-Studio One, aussi le plaisir de programmer des DJ avec des danseurs, des graffeurs pour le Club et pour la radio, puis pour le festival l’Original. J’aimais déjà mélanger les courants, les disciplines, pour participer d’une culture commune. Il existait depuis les années 90 la conscience d’une énergie globale commune à des disciplines différentes, ce qu’on a appelé très tôt la culture Hip Hop. Toutes mes expériences, artistique, économique, de développement des publics… pendant 15 ans, a fondé le succès  du lancement de La Place.

Avais-tu imaginé un projet comme La Place avant de rencontrer Marion Boyer ?

JM : L’idée n’est pas de moi. J’adorais aller dans divers lieux pour programmer des événements Hip Hop dans des salles de spectacle déjà existantes. C’était important pour moi de faire venir dans le théâtre les publics des banlieues, fidèles de mon Festival L’Original. Je n’avais ni  l’idée, ni l’envie, ni la volonté de créer un lieu différent pour le Hip Hop. La circulation entre les espaces me paraissait plus importante. Dès les prémices du Hip Hop, il y’avait déjà un esprit de passerelles entre des gens ou des univers différents. Les connexions ouvrent des perspectives de vie, de rencontres. J’avais plutôt envie de normaliser les relations entre le monde du Hip Hop et les théâtres, de réduire la défiance qui pouvait exister entre des mondes perçus comme différents.

Fin de l’interview de Jean-Marc Mougeot, Directeur de La Place

Moi, Catherine Zavodska, j’ai eu envie de vous parler de La Place par ce que c’est un lieu unique, qui pourrait devenir exemplaire à plusieurs titres. Au-delà de la promotion de la culture Hip Hop, c’est un lieu réellement vivant, multidisciplinaire, ambitieux et se construisant un modèle d’indépendance économique unique. Voilà tout ce que  j’ai envie que vous sachiez avant de venir.

Quelle est l’ambition de La Place à Paris ?

Un espace culturel unique, multidisciplinaire, dédié au développement de l’art Hip Hop, de la création à la transmission

Après la longue phase de consultations et d’échanges menées par le cabinet de la Culture de la Ville de Paris (Bruno Juillard, Marion Boyer), en accord avec la direction de l’Urbanisme (à l’époque Anne Hidalgo), le projet La Place fut défini comme le lieu de la culture Hip Hop dans toute sa richesse. JM a tenu dès le début à afficher La Place comme «le centre culturel Hip Hop » avec pour ambition de représenter toutes les disciplines, tous les moyens d’expression de cette culture, et d’être en capacité d’accompagner ses acteurs de la création à la transmission.

  • Soutien à la création dans 8 espaces de pratiques, dont un studio d’enregistrement, un home studio, un studio vidéo, un atelier de graffiti et de street art, un studio de danse…La Place facilite de fait la mise en relation entre les acteurs. Prochainement, La Place accueillera des artistes en résidence.
    Studio d'enregistrement © La Place

    Studio d’enregistrement © La Place

  • Production de spectacles ou d’événements avec la perspective d’un retour sur investissement
  • Diffusion avec une salle de concert (450 places debout) et un studio de 100 places assises, La Place se veut le lieu d’expression de tous les événements pas seulement des spectacles, mais aussi des battles, des masterclass, des concerts, des performances, des expositions, des projections de films etc. La Place développe pour les artistes ses partenariats avec des lieux pour diffuser sa programmation au mieux.
  • Transmission : masterclass, formation pour les professionnels et les amateurs. La Place a déjà accueilli deux sessions de la Hawks Method.
  • Incubateur : accompagnement d’une vingtaine d’entrepreneurs oeuvrant dans le monde du Hip Hop.
Battle Hip Hop © La Place

Battle Hip Hop © La Place

Un modèle exemplaire de lieu culturel d’un nouveau genre

La culture Hip Hop est marquée, en France, par une histoire qui s’est développée dans l’indépendance vis-à-vis des institutions même si des liens vitaux pouvaient se nouer en certains endroits comme les activités dans les MJC, spectacles dans les théâtres et festivals, battles ou masterclass dans les gymnases…Mais elle est marquée aussi par une certaine défiance, que JM n’a cessé de combattre. Les acteurs du Hip Hop ont fait de cette faiblesse une force. La passion, l’énergie positive, l’importance du collectif, la persévérance vitale ont contribué à faire grandir cette culture envers et contre tout avec un sens aigu de la débrouillardise qui a permis à ses acteurs de faire de leur passion un métier. Les champions de battles d’hier, par exemple les danseurs des Wanted Posse, enseignent leur discipline dans le monde entier. Certains collaborent, danseurs, graffeurs…collaborent avec des marques, par exemple Laure Courtellemont fut égérie Nike. Le succès des rappeurs est phénoménal. Leur notoriété via les réseaux sociaux, confortée par leurs événements dans la vie réelle, leur assure des revenus avant de contracter avec une maison de disques. Le graf se cherche une place sur le marché économique de l’art, certains sont déjà exposés dans les galeries d’art.

Le soutien financier de la Mairie de Paris a été essentiel dès l’origine du projet. La Place a pour ambition affichée de développer ses ressources propres pour devenir indépendante des subventions publiques. Le modèle économique du Centre culturel est dans les gènes du projet. La Place s’en donne les moyens sans tabou. Aussi une personne a été embauchée en charge de la privatisation des espaces et de la recherche de mécènes privés.

La Place est un lieu unique qui n’a aucun équivalent dans le monde du Hip Hop. JM observe que ce centre culturel devient le modèle, qui inspire les projets d’autres pays d’Europe. Hors du monde du Hip Hop, le modèle économique de La Place peut aussi être un modèle inspirant dans un contexte de désengagement de la puissance publique du financement de la culture.

 La Place, un lieu où le Hip Hop se vit

La Place est un lieu vivant ouvert de 13h à 19h du mardi au samedi.

Graffiti © La Place

Graffiti © La Place

A quoi tient l’alchimie d’un lieu vivant ? Pour JM, il n’y a pas de magie. Tout a été pensé à l’avance lors de la conception du projet, les visiteurs font le reste.

  • Vous entrerez à La Place, sous la Canopée des Halles, par l’entrée à gauche du Sephora. A proximité immédiate de La Place, se trouve la médiathèque, la nouvelle MPAA (Maison des pratiques artistiques amateurs) et le Kiosque Jeunes. Le Conservatoire d’arrondissement de Paris se trouve en face. Les usagers de ces équipements culturels sont amenés naturellement à se croiser et se mélanger.
  • Le Bar de La Place est pensé pour comme lieu d’accueil, avant d’être un lieu de consommation. C’est un espace ouvert, accueillant, à l’image de La Place. Convivial avec accès gratuit au réseau Wifi, il devient de fait un lieu de RV professionnel. Le passage des pros et des visiteurs de La Place, la proximité des danseurs qui s’exercent, en font un lieu unique par son ambiance, sans équivalent dans le quartier. Mais le fait d’être à l’écart garantit une certaine tranquillité. Contrairement à de nombreux lieux culturels à Paris, La Place a, elle, fait le choix de gérer son bar, en pleine conscience de son importance stratégique. Et cela fait toute la différence pour moi en tant qu’usager ! Comparez avec le bar de l’Opéra, du Centquatre, de Chaillot etc., qui sous-traitent ce service si important pour les spectateurs, c’est vite vu ! Je préfère le bar de La Place. Ouvert toute la journée, sans prétentions, il sert un vrai café, des boissons classiques ou une boisson fait maison pour les occasions, de quoi se restaurer sur le pouce, dans un esprit relaxe et à prix raisonnable.
  • Accueillir tout le monde : danseurs, musiciens, DJ, graffeurs, semi-pro, professionnels, amateurs, spectateurs, lecteurs, entrepreneurs…de toutes les générations. Un vrai lieu de mixité dans tous les sens du terme.
  • L’art est dans La Place : danse, musique, grafs envahissent tous les mètres cubes qu’ils aient été ou non invités. Pas de panneau du style « pelouse interdite » dans les parcs publics. JM a été très heureux quand les danseurs habitués du lieu ont demandé une salle de réunion pour organiser un échange pour fixer de manière collaborative des règles élémentaires de partage de l’espace public.

La Place est un lieu vivant ouvert de 13h à 19h du mardi au samedi et lors des événements en soirée et le dimanche. Cela fait 6 mois. Pour les membres de l’équipe, c’est comme si c’était hier tant l’actualité est riche d’événements et de rencontres. JM continue d’avoir des projets qui vont s’épanouir à leur rythme.

Pour être informé des événements organisés à La Place, vous suivez la page Facebook de La Place. La prochaine fois que vous passez aux Halles, faites-y un saut, allez prendre un café ! L’ambiance est différente selon les jours et les heures mais toujours vivante.

Auteur : Catherine Zavodska, 20 mars 2017

Interview de Jean-Marc Mougeot, 16 mars 2017

Liens utiles :

– le site web : http://laplace.paris

– likez la page Facebook et consultez les événements

– Autres articles sur la blog DanseAujourdhui, dont Qu’est-ce que la danse Hip Hop ?

 

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