Instinctive et autodidacte, je me nourrissais de toutes les rencontres sans objectif particulier
La danse a toujours fait partie de ma vie aussi loin que je me souvienne. Après la danse classique commencée à 5 ans, j’ai pris entre 20 et 23 ans énormément de cours de disciplines diverses et variées : bûto, Hip Hop, contemporain… Je piochais à droite à gauche. J’étais à Paris chez Peter Goss, au Studio Harmonique, j’ai fait des stages jusqu’à ma rencontre avec le danseur-chorégraphe Alain Gonotey. Il est le premier à avoir révélé en moi le goût de la technique et à m’avoir fait croire que je pouvais envisager une carrière professionnelle.
Je suis rentrée au Conservatoire de Bordeaux à 23 ans en auditrice libre. De là, ce fut très rapide. Les profs m’ont demandé de passer l’examen de fin d’année et j’ai obtenu la Médaille d’or alors que je faisais du contemporain depuis 8 mois. Ils m’ont demandé de rester un an de plus et m’ont donné la Médaille d’honneur avec un grand coup de pied dans les fesses pour aller passer des auditions. A la 3ème audition, j’ai travaillé plusieurs années à Madrid dans la compagnie Provizional Danza de Carmen Werner, puis au sein de la compagnie Sol Pico à Barcelone entre autres. Jusqu’à ce que j’ai eu envie d’aller voir ce qui se passait ailleurs.
L’attrait de la scène chorégraphique belge, un panorama très large
J’étais attirée par le large panorama, unique, des propositions chorégraphiques en Belgique. Ce qui m’intéresse c’est la densité du corps, l’image du corps sur scène et pas le mouvement pour le mouvement. Une semaine après mon arrivée en Belgique, j’entrais dans la compagnie de Pierre Droulers (ex-directeur de Charleroi Danse).
J’avais envie de dessiner, de sculpter les corps sur scène, à travailler l’image du corps à ma façon. Chaque artiste avec lequel j’ai travaillé a laissé des traces en moi.
Le trait épuré : J’ai travaillé avec Thierry de Mey comme interprète dans l’installation vidéo From Inside.
La subtilité : J’ai travaillé avec Fré Werbrouk.
Je suis beaucoup venue en France comme interprète pour Michèle Noiret et assistante sur le duo Palimpseste.
Voilà des gens avec qui j’ai eu des rencontres déterminantes, qui ont en commun un rapport à l’image assez fort. Toutes les expériences avec des artistes très différents ont construit ma matière.
Marielle Morales, chorégraphe émergente
J’ai commencé mon travail de chorégraphe à Barcelone, dans le collectif S.I.A.M.B. en faisant des performances, des improvisations avec des travaux entre danse et vidéo. Mon travail artistique est assez radical mais la diversité fait partie de ma vie. Je mets toujours sur le même niveau la théâtralité, le mouvement et la plasticité. On me dit souvent que c’est une caractéristique belge !
Le Pli, l’indéfinissable, Less is more
Parmi toutes mes créations, il y’a eu une pièce-clé, une co-création avec Antia Diaz : Le Pli, c’était le point culminant de mon parcours à ce moment-là. J’y ai découvert le corps dans sa densité et pas dans son mouvement. On a essayé de laisser beaucoup d’espace pour le spectateur. Pièce dans laquelle j’ai découvert le pouvoir de ce dépôt dans les corps lorsqu’on le dégrossit, comme un sculpteur à tailler, enlever les couches pour arriver à l’essence de ce que l’on fait. En faisant beaucoup moins, on s’est aperçu de la puissance de la simplicité. Less is more : c’est ma nouvelle ligne de travail, c’est le seul moyen de laisser la place au spectateur de faire sa propre histoire, place pour l’imaginaire.
Avec Le Pli, Marielle Morales a eu des retours du type « je ne sais pas pourquoi mais j’ai été embarqué du début à la fin ». C’est une chose indéfinissable mais je pense que c’est grâce à l’espace qu’on laisse au public. Je pense que les gens sont touchés par ce qu’ils perçoivent même si ce n’est pas visible.
Le PLI trailer 2012/ Marielle Morales y Antía Díaz from antia Diaz Otero on Vimeo.
Espiritu I, l’importance capitale d’un détail
Après le Pli, une installation solo dans laquelle j’ai voulu faire une expérience sur le temps avec Espiritu I. Je suis partie de l’idée que le temps est un voyageur immobile, j’ai créé un mouvement hypnotique et répétitif avec une chaise qui se balance, moi assise sur la chaise. J’étais engagée dans une histoire émotionnelle, mon corps était dans une activité énorme alors que cela n’était pas apparent. Je me suis rendue compte que le moindre détail prenait une importance capitale pour le public et qu’on arrivait à créer des outils cinématographiques.
Il y’a une anecdote à l’origine de Rushing Stillness : je montrais une étape de travail en annonçant une durée de 7 minutes, j’en ai fait 14 et personne ne s’est rendu compte de rien. Quand j’ai demandé au public comment ils avaient ressenti la durée, tout le monde m’a répondu que j’aurai pu faire plus long, 10 minutes. Avec presque rien, il y’a beaucoup à voir.
Espiritu I (teaser 3′) from marielle morales on Vimeo.
Rushing Stillness, l’impermanence
Tout est en transformation, l’immobilité n’existe pas, j’ai eu envie de continuer sur cette idée de la durée et d’explorer plus loin avec plusieurs personnes sur le plateau, avec des outils cinématographiques, avec un travail somatique sur nos corps. Nous avons expérimenté dans des lieux différents. Pourquoi la notion de temporalité change avec l’espace ? Dès le début de la création, les expériences sensorielles sur nos corps ont été aussi importantes que nos lectures et échanges philosophiques.
Rushing Stillness Trailer / Cie mala hierba- Marielle Morales. Bruxelles from marielle morales on Vimeo.
Inspirations
Le cinéaste Tarkovski
Le temps est ralenti, déplié. Ses films sont comme comme un travail chorégraphique et ses images touchent la mémoire et le symbolique.
Le vidéaste Bill Viola
En amont du projet, j’ai visité l’expo au Grand Palais avec mon créateur lumières, c’était une expérience méditative incroyable. Cela a fini de nous convaincre de travailler dans le pli et le repli du temps.
Les outils cinématographiques créés par la danse
Le ralenti, le zoom, l’accéléré, un retour en arrière, une ellipse de temps sont des outils cinématographiques. La différence avec le cinéma est que nous n’avons pas un cadre en 2D mais une scène qu’il faut sculpter avec les lumières et les corps.
Rushing Stillness, couronné par le Prix de la Critique
La première était en mars 2016 avec trois représentations au festival In Movement aux Brigittines, Bruxelles, qui promeut les chorégraphes de la Fédération Wallonie-Bruxelles. On a fait salle comble tous les soirs. Ce sont les +40 ans qui ont eu de fortes réactions, alors que les jeunes générations dans notre civilisation ont la sensation de manquer de temps. Ils ont une difficulté à entrer dans un processus et le suivre. Je pense que les réactions du public en fonction de l’âge sont liées à l’expérience du temps et de la durée, le thème central de la pièce.
On a rejoué trois soirs au Théâtre de Marni à Bruxelles avec un autre type de public, très mélangé et avec des retours magnifiques de gens qui ont eu des visions du Monde pendant la pièce. Certains ont dit qu’ils se sont trouvés en face d’eux-mêmes. Je pense que c’est grâce à la possibilité que je donne au spectateur de trouver son propre rythme. Je cherche à ce que les spectateurs vivent une expérience sensorielle et émotionnelle.
La pièce a reçu le Prix de la Critique comme Meilleur spectacle de Danse.
Prochaine date : 7 juin 2017 à l’espace Senghor à Bruxelles.
Marielle Morales s’est confié à Catherine Zavodska le 27 janvier 2017, 4 jours avant la première de Rushing Stillness en France, au Centre Wallonie-Bruxelles.
Voir le site officiel de la compagnie Mala Hierba
Aimez la page Facebook de Marielle Morales !
La compagnie reçoit le soutien de la Fédération de Wallonie-Bruxelles, de deux théâtres à Bruxelles (Marni, Brigittines) et en France, de trois Centres de Développement Chorégraphique (CDC Toulouse, La Briqueterie à Ivry, le Gymnase à Roubaix).
Portrait de Marielle Morales à la Une © Sara Sampelayo
0 Commentaires
Répondre
Vous devez être connecté pour ajouter un commentaire.