Physs tient la vedette du Festival Premières Scènes 2017 à la Maison Daniel Féry de Nanterre : Boots entame une nouvelle tournée et la première étape de travail de sa prochaine création, Insight Data, est présentée sous forme de Carte Blanche pour 5 danseurs. J’ai voulu en savoir plus sur son parcours, voici ce qu’il m’a raconté.
PHYSS, UN DANSEUR HIP HOP EN ADEQUATION AVEC SON TEMPS
Du quartier à la Capitale, de l’underground à la télé en passant par la scène
« En 1993, grâce aux actions pédagogiques en maison de quartier à Cergy, je suis connecté très vite à Sébastien Lefrançois de la compagnie Trafic de Styles. C’était aussi les débuts du temps fort Hip Hop nommé Les Rencontres de La Villette. Je touche mes premiers salaires en accompagnant Sébastien dans des actions pédagogiques, comme lors du lancement du festival Chorestival à Cergy.
En 1998, j’ai intégré comme danseur-interprète dans la compagnie Boogie Saï avec Max-Laure Bourjolly et Alex Benth (collectif Jeu de Jambes). Le premier spectacle est une Basket pour Cendrillon. Avec Max-Laure, je travaille beaucoup en télé et sur scène, dans des émissions comme Dimanche Martin. Je dansais derrière les artistes invités.
En 2001, je rencontre Kamel Ouali avec lequel je travaille beaucoup dans l’audiovisuel, à la Star Academy par exemple.
Mais en parallèle, je suis aussi très investi dans l’underground : je sors beaucoup en club (le GIBUS, la Coupole, les Caves Lechapellet, le Globo, le Queen). Le premier social media, c’était le club pour les cultures urbaines : on se rencontrait, on échangeait, on se connectait. C’est là que j’ai rencontré la plupart des danseurs qui sont mes amis aujourd’hui, comme les Wanted Posse, O’Trip, Sans Rancune, Aktuel Force. On allait cherchait la sensation, écoutait du son, danser et s’amuser. Il y avait du son hip hop, puis de la house, dans toutes ses variantes (garage, tech, soul…). »
PHYSS AUX PREMIERES LOGES DE LA DEMOCRATISATION DE LA DANSE HIP HOP
« Les battles sont arrivés avec le premier Juste Debout en 2002 auquel j’ai participé. Le monde du battle a ouvert une fenêtre sur un autre combat : se confronter aux plus grands danseurs hip hop français, européens puis internationaux. Le Juste Debout s’est fait connaître dans le monde grâce au support DVD. Il y avait déjà une urgence de figer l’information et d’archiver les techniques pour innover.
Style2Ouf était un forum de discussions au début d’internet, puis ont émergé des plateformes pour échanger des sons :
Facebook, c’est la révolution de l’image car accessible à tout le monde. Youtube était d’abord seulement un moyen de stocker un film que tout le monde pouvait réaliser, expert ou pas de la vidéo. Aujourd’hui on filme en direct sur les réseaux sociaux, via Instagram par exemple.
Les comédies musicales (cf. Kamel Ouali) et les clips vidéo ont aussi contribué à l’explosion de la danse hip hop. »
HIP HOP DE LA CREATION A LA TRANSMISSION
Physs » Bousculer le spectateur est le travail du chorégraphe »
« Pro Phenomen était un collectif d’artistes de Cergy que j’ai rejoint : on s’entraînait ensemble, on dansait ensemble, puis j’ai chorégraphié pour eux des spectacles. Nous représentions la signature chorégraphique des artistes hip hop de Cergy et on se faisait un devoir de représenter la ville de Cergy qui nous aidait. Maintenant c’est terminé mais cela fait partie de mon ADN. L’architecture cergyssoise est un ensemble de gestes, un style spécifique aux danseurs de ce territoire. Par exemple Signum est une des pièces emblématiques de ce mouvement, un concentré du regard que nous portions sur la société quand nous avions la trentaine. Les années de télé, le professionnalisme appris dans l’audiovisuel et la comédie musicale ont aidé à la reconnaissance de ce collectif.
En 2013, j’ai fondé ma propre compagnie MouvMatik (ancien nom : compagnie Philippe Almeida). »
Boots, une pièce-clé du parcours de chorégraphe Physs
Elle sera présentée à la Maison de la Musique de Nanterre le 2 décembre 2017 avec une nouvelle distribution, c’est une nouvelle naissance de la pièce après 3 ans. Elle est toujours d’actualité malheureusement du fait de son sujet : l’exploitation minière illégale en Afrique du Sud. Boots entame sa quatrième saison avec une dizaine de dates prévue en France et à l’étranger.
Insight Data, nouvelle création de Physs sur la place du smartphone dans nos vies
« La toute première étape de travail sera présentée à la Maison Daniel Féry sous forme d’une Carte blanche pour 5 danseurs dans le cadre du Festival Premières Scènes. La distribution est composée d’Arnaud Deprez qui m’assiste dans mes recherches, Jade Fehlman, Albina et Banzay du groupe russe FarFor. Collaborer est ce qui me fait vibrer aujourd’hui, travailler seul ne m’intéresse pas.
La question centrale est de quelle manière archiver un spectacle de danse mais avec aussi les émotions qui traversent le spectacle. Les spectateurs seront invités à prendre des photos, filmer des stories et les partager en direct sur Instagram avec leur réseau depuis le studio de la Maison Daniel Féry. Les danseurs filmeront et partageront aussi leur expérience du spectacle.
Je me demande ce qui nous manque pour avoir un usage si intensif du smartphone. Je ne veux pas du quatrième mur, j’ai envie de bousculer les spectateurs et de me surprendre, de laisser ma créativité s’exprimer et d’aller chercher le public d’une manière très différente. Selon ma vision, ça fait partie du travail de chorégraphe de bousculer le spectateur. Dans une pièce, il y a beaucoup de choses mais doit primer cette envie de créer une expérience unique. »
Physs, passeur culturel
La démarche pédagogique m’est essentielle
« J’articule mes actions en écoles de danse* et les outils pédagogiques que je conçois avec la création. Le défi pour la jeune génération : hériter de ce qu’on a eu, de ce qu’on a fait et le transmettre. Je me sens plus comme un passeur culturel qu’un professeur. J’essaye de transmettre un geste, une signature chorégraphique, une méthodologie, une formation vis-à-vis du battle et de la scène et ma philosophie de l’instant.
Former, c’est accompagner une recherche sur soi pour que le cheminement puisse se faire. Plus ça va et moins j’ai envie de transmettre des gestes. C’est à chacun, aux élèves, de s’approprier le geste pour qu’il devienne plus qu’une technique. »
Interview par Catherine Zavodska à la Maison Daniel Féry de Nanterre le 28 novembre 2017, entre deux répétitions d’Insight Data, prochaine création de Philippe Almeida prévue pour 2019
N.B. Philippe Almeida aka Physs appartient aussi aux Serial Stepperz, qui est un collectif d’artistes venus de compagnies différentes, issus de diverses disciplines hip hop. Avec eux, il fait de la transmission, par exemple durant l’été durant le Boot Dance Camp et lors des masterclasses de la Hawks Method (méthode d’évaluation et de suivi de la progression).
* CFD : Centre de formation de danse de Cergy (public) : formation de 7 heures hebdomadaires pendant un an
* AID : Académie internationale de danse (Paris 16e) : l’objectif de l’élève est de passer son EAT (étape avant d’obtenir le diplôme d’état) ou une formation plus complète. « A l’AID j’ai créé le département hip hop et le jeune ballet hip hop (JBH) pour lequel je crée et transmets un répertoire. On dépasse la simple restitution des techniques hip hop.
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