Pierre Rigal – Salut singulier

SALUT de Pierre Rigal

Une invite à voir Salut, la création de Pierre Rigal pour le ballet de l’Opéra de Paris

Salut est écrit ici au singulier. Pierre Rigal a évidemment une intention en évitant le pluriel, je serais heureux de savoir laquelle. Peut-être celle de nous inviter à prêter une attention au mot, à sa sémantique complexe comme il aime à le faire pour le titre de ses autres créations ? Vous allez comprendre que je vous encourage très vivement à voir ce spectacle, mais aussi si vous avez le temps, de lire du début à la fin l’entrée du mot « salut » d’un bon dictionnaire récent.

Tout commence par un Salut à l’Opéra

SALUT de Pierre Rigal-par laurent philippe

SALUT de Pierre Rigal

 

Tout commence par le joli salut très convenu et maniéré d’un ballet classique, avec tutus, perruques et collants. Les danseurs tournent et saluent, sous un tonnerre d’applaudissements, ils saluent, saluent et nous re-saluent. Prise au jeu la salle rie et applaudît pour de vrai, saluant en retour les danseurs qui viennent d’arriver en disant au revoir. Les saluts répétés changent progressivement en entrant dans une rythmique de techno lente, passant dans les corps des danseurs qui se mécanisent, saluant maintenant selon des géométries perpendiculaires, le groupe se décompose en se binarisant avec des saluts réciproques. La rythmique et les corps se militarisent, des évolutions individuelles de robots identiques formant une armée dispersée donnent à voir des saluts militaires.

 

 

 

Un jeu de groupe où les danseurs de l’Opéra sont égaux

SALUT de Pierre Rigal-par laurent philippe

SALUT de Pierre Rigal

 

Très vite, j’oublie les tutus du début alors que sous les jeux sophistiqués d’éclairage se composent et s’enchaînent par un jeu de groupe où chacun tient une part égale toutes formes de saluts. Salut entre les uns et les autres, salut d’au revoir et salut d’adieu, jusqu’à l’ultime salut de la mort. Les vivants restés debout portent secours à leurs proches inanimés, les portants comme des pantins pour tenter de les faire encore saluer alors qu’il est trop tard. Le groupe entier revit, se recompose, et poursuit selon un rythme soutenu des architectures fortement évolutives. A un moment, la mort frappe de nouveau, cassant le rythme – tous les danseurs sont à terre, l’éclairage sombre et la musique renforcent une ambiance  glauque, ils rampent lentement comme englués au sol. De nombreuses petites lumières multicolores vives descendent du ciel : les bras se tendent et les corps se cambrent pour tenter de les toucher afin de rejoindre un autre monde. La scène se réanime rapidement et les scènes se succèdent dans un rythme qui s’accélère.

 

 

 

 

 

Du salut à la disparition

SALUT de Pierre Rigal-par laurent philippe

SALUT de Pierre Rigal

 

Depuis leur entrée, les danseurs ont progressivement perdu leurs attributs du classique. Perruques blanches tombées, tutus descendus et détournés, accessoires à terre. Les danseurs sont maintenant vêtus de façon simple, dépouillée de leurs artifices. La perception de la réalité de leur présence n’a fait que croître au fil des scènes. Pleins de vie, à un moment sous le cycle d’un jour qui commence et qui finit, ils évoluent dans un environnement de lumière et de musique particulièrement spectaculaire. Près de la fin, tout s’étire encore, quelques danseurs debout immobiles dans le noir n’apparaissent que le temps de flashs blancs surpuissants répétés qui laissent en négatif la trace forte de leur présence, tandis que le rideau noir descend pour les soustraire finalement à notre regard.

Ce qui avait commencé par un bonjour paradoxal de personnages se termine par une disparition de personnes immobiles à la présence devenue irradiante, qui ne partent pas mais nous sont enlevés. Salut final.

 

 

C’était la seconde création de Pierre Rigal à laquelle j’assistais (« Standards » m’avait également ébloui), j’y ai retrouvé force, densité et réseaux de significations redoublant l’immédiateté de l’émotion esthétique que j’ai ressentie.

Marc Guerrier, 15 février 2015 (spectateur et adhérent DanseAujourdhui)

Photos : Laurent Philippe pour l’Opéra national de Paris

Lire la critique d’Agnès Izrine pour DanserCanalHistorique

Teaser-video de la soirée à l’Opéra de Paris avec extraits de Salut de Pierre Rigal :

1 Commentaire

  1. Fabrice 20 février 2015

    Chapeau pour ce papier qui donne envie de découvrir. Salute!
    F*

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