Ce weekend du 27 au 29 novembre 2015 a eu lieu la première édition des « Premières Scènes hip-hop » à la Maison Daniel Féry de Nanterre, en lien avec la Maison de la Musique de Nanterre.
Le public est plutôt jeune, il y a une atmosphère très tranquille et chaleureuse que je retrouve chaque soir. J’aime beaucoup la salle. Elle est petite et semble plutôt dédiée aux concerts debout. Pour le festival, on y a installé des gradins. L’espace scénique n’est pas surélevé et je crois que c’est ce qui me plaît : il y a une proximité directe avec les artistes, les danseurs qui est aussi favorisée par la taille de la salle. Un cadre convivial, presque intimiste que j’aime beaucoup.
Vendredi :
La soirée s’entame avec le Krump du groupe « Prime Fam ». Pas de musique, du moins pas de musique enregistrée. Parmi les 3 artistes sur scène, un beat boxer rythme le show au milieu de deux danseurs. Résultat : une danse virile, saccadée qui m’évoque l’univers du jeu vidéo dans lequel les danseurs incarneraient des robots humains ou l’inverse, des sortes de cyborgs. Ce n’est pas pour rien je pense qu’ils se font appeler Cyborg et Wolf. Drôle, léger et puissant à la fois, c’est la pièce qui impressionne tous les spectateurs, du plus petit au plus grand.
Arrive ensuite « Ghost Flow », solo de Meech (Michel Onomo) sur le mouvement qu’il développe et théorise. La musique enregistrée est une composition originale par Frank II Louise, elle démarre. Le danseur commence enroulé autour d’une enceinte sono, comme si la musique en était le berceau. C’est en tout cas comme ça que je le perçois. Meech se détache de l’enceinte, se lève et au fur et à mesure, les mouvements s’accélèrent et se répètent et il rentre dans une espèce de transe portée par le son électro voire psychédélique et je comprends cette fois le terme « fractalisée » qu’il évoquait lorsque je l’avais interrogé en octobre. Parfois, il me fait penser à zombie tellement son regard est vide. Je retrouve différentes influences de danses incarnées à sa manière, je discerne du Krump, de la House dance et d’autres influences afro, parfois des danses ancestrales. Alors ce que j’ai compris du Ghost Flow, mouvement que développe Meech, est une danse incarnée au plus haut point portée par les mouvements qui influent ou ont influencé le danseur. Une danse de l’intériorité qui se manifeste par des gestes effrénés.
La dernière pièce « Basic » d’ Ousmane « Baba » Sy est peut-être celle que j’ai le plus appréciée. Surprenante de légèreté, tout en étant dans une dynamique très rythmée par le son House de DJ Sam One. Je me suis laissée portée par l’ambiance à la fois festive et « smooth » je dirais. Comment l’expliquer ? Déjà le DJ sur scène qui se situe entre nous et les danseurs me donne l’impression d’être un pianiste virtuose : ses mains glissent sur la table de mixage avec une telle précision qu’on a l’impression que c’est naturel. Et il nous fait entrer dans un autre univers, celui du Club. Ensuite, les danseurs. Ils sont 4, non 3, puis 2 puis 1, de nouveau 3. J’ai l’impression qu’il n’y a vraiment pas de règles et c’est ce qui est génial. En fait la scène n’en est plus une, elle est plutôt devenu une piste où les danseurs se croisent, se défient, dansent ensemble, montrent ce qu’ils savent faire… Tout se passe de manière très fluide, spontanée et à la fois, la précision du geste est là. Les danseurs excellent dans cette discipline qu’est la House Dance et on retrouve sur leurs visages et dans leurs mouvements le plaisir de se laisser aller à la danse. Dans ces moments très enjouées, je trouve des touches presque poétiques, notamment à ce moment où on entend une série de notes particulières sur lesquelles deux danseurs font bouger successivement leurs pieds, puis leurs jambes puis tout le corps. Je me souviens également d’un ou deux passages en solo très touchants. La meilleure façon de s’en faire une idée, c’est sans doute de le voir.
« Basic » se termine mais la musique continue. Au fur et à mesure les danseurs se retrouvent sur scène, ceux de la programmation et ceux qui avaient envie de danser. La soirée se termine sur ce battle convivial et improvisé.
Samedi :
Nouveau programme, nouveaux artistes mais toujours la même forme : 3 pièces différentes dans la même soirée. Cette fois elle débute par un duo : celui de Soria et Mehdi. Une nouvelle fois, deux danseurs virtuoses, leurs pas s’entremêlent et s’enchaînent naturellement, presque machinalement. Je découvre alors un duo amoureux, qui oscille entre séparations et retrouvailles, douceur et brutalité du geste. Parfois je me crispe tant les mouvements sont techniques mais exécutés tout en finesse avec sérénité (du moins c’est ce qu’il y paraît). Je sens une confiance presque aveugle entre les deux danseurs qui se traduit par une élégance et une légèreté de chaque mouvement, chaque porté parfaitement coordonné. Les danseurs sont complémentaires, chacun semble avoir besoin de l’autre pour danser. Cette pièce très chorégraphique donne à la danse hip-hop toute une sensibilité qu’on lui dénie parfois. Cette soirée semble s’ouvrir sur un aspect plus émotif, plus sensible du hip-hop. Voyons la suite.
Ensuite, l’extrait d’une nouvelle pièce encore en création nous est présenté d’un groupe bien connu de la sphère hip-hop : Les Wanted Posse. Habituellement une dizaine, ce soir ils ne sont que deux (Mamson et Joyson) dans un registre où on ne les attend pas forcément. Ce spectacle s’appelle « Hybride ». Un Guitariste classique joue sur scène et est bientôt rejoint par les deux danseurs. Au départ je vois ces danseurs sur scène avec le guitariste et je trouve ça presque mou, comme s’ils s’ennuyaient. Et puis tout s’arrête. Les danseurs stoppent le musicien. Ils s’adonnent alors à un moment interactif avec le public et surtout très drôle. Les danseurs montrent alors des pas en mimant des notes et le musicien doit les reproduire avec sa guitare. Ensuite, on utilise son métronome pour donner une cadence rythmique qui nous fait penser aux rythmes hip-hop. Alors armé de son métronome et de sa guitare, le musicien parvient à se caler sur la danse de Mamson et Joyson et vice versa. Un moment véritablement hybride, plaisant, qui emmène la danse hip-hop dans un autre univers.
Nous arrivons à la dernière partie de la soirée, la plus touchante à mes yeux. La pièce s’appelle « Weakness », c’est un solo créée et interprété par Physs (Philippe Almeida). Le dispositif scénique change cette fois et me plaît beaucoup. L’espace est disposé en cercle que je trouve moins frontal et beaucoup plus convivial. Le cercle dans la danse hip-hop fait aussi référence au défi, aux battles que se lancent les danseurs. Physs va beaucoup jouer entre les deux pendant sa pièce : l’interaction avec le public, qu’il maîtrise vraiment bien, et le défi. Physs nous fera voir deux côtés de sa personnalité. Il commence par nous interpeler nous les spectateurs, puis interpelle le régisseur, il nous incite à l’encourager, provoque même par la danse le public installé autour de lui. Ca c’est le côté exubérant, extraverti, un rôle que l’on se donne au moment des battles sans doute. Puis tout bascule. « C’est pas moi ! » répète-t-il. Le danseur rentre un peu en lui même, il nous confie un autre aspect de sa personnalité, une crainte, une timidité peut-être. Il cache son visage avec cette sorte de collant sur la tête, entame une lutte avec, ne parvient pas à s’en débarrasser. Visuellement c’est aussi très beau. Et puis petit à petit il parvient à s’en défaire. Physs se dévoile au public, en toute intimité. J’ai l’impression que sa danse se fait plus légère au fil de la pièce pour se terminer sur cette musique de la chanteuse capverdienne Cesaria Evora dont le refrain répète ce mot « Saudade», une nostalgie teintée de joie. Un clin d’œil à ses origines ? Cette pièce me laisse en tout cas un souvenir touchant.
Encore une fois, la soirée se termine avec tous les danseurs sur scène et ceux qui souhaitent s’y joindre. Les photos sont de mauvaises qualité, mais elle donneront un petit aperçu
Dimanche
C’est le Brunch Hip-Hop toute l’après-midi. J’y passe et me glisse dans la foule. Il y a un public très familial, tout le monde a l’air de passer un bon moment. J’aperçois quelques danseurs de la veille et de l’avant-veille, mêlé aux jeunes qui s’amusent sur la piste. Des parents les regardent assis sur le côté, parfois les rejoignent. Toujours la convivialité en maître mot, cette journée clôt la première édition très réussie des Premières Scènes Hip-Hop. Et vivement la prochaine.
Julie Gortani
Chargée de communication
julie.gortani@gmail.com
Image à la une : WEAKNESS – Philippe-Almeida ©Liven
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