Nocturnes / Estro

namethumb_w600px_img_event_bae3eadf-eb6e-4daf-9e57-1e0e3eac71bb © Olivier Houeix
  • Ballet

Les Gémeaux, scène nationale (Sceaux)

49 Avenue Georges Clemenceau
92330 Sceaux

23 Mai. 2018 - 25 Mai. 2018

mai 2018 :

  • mercredi 23 de 20:45 à 22:15
  • jeudi 24 de 20:45 à 22:15
  • vendredi 25 de 20:45 à 22:15

Deux pièces sublimes

NOCTURNES
En proie à ses états d’âme, Frédéric Chopin traduit dans « Les Nocturnes » — 21 pièces pour piano composées entre 1827 et 1846 — les langueurs de l’amour avec la profondeur de sa nature éprise de mélancolie. Cette prépondérance d’un sentiment empreint d’un voile obscur, ce goût du morbide, ce romantisme noir et « gothique » cultivé par Chopin et d’autres romantiques a motivé un rapprochement avec les Danses macabres en vogue à la fin du Moyen-Âge. Il s’agissait le plus souvent de peintures murales représentant une suite de personnages de tout sexe, de tout âge, de tout état, entraînés chacun vers le repos final par un squelette, qui ne représentait pas la Mort, mais le mort, c’est-à-dire une image posthume du vivant. Au-delà de l’idée d’associer deux choses aussi disparates que danser et mourir, les Danses macabres symbolisaient le passage du temps et montraient comment la Mort réunit fraternellement les hommes de tous rangs. Vestiges d’ « un jour noir plus triste que les nuits » eût dit Charles Baudelaire, « Nocturnes » se présente comme une fresque, comme un songe écrasé sous le poids d’une éternelle mélancolie.

ESTRO
« L’Estro armonico Op.3 » est, après « Les Quatre saisons », l’œuvre concertante la plus célèbre d’Antonio Vivaldi (1678-1741). Editée à Amsterdam en 1711 et dédiée à Ferdinand III de Médicis, elle signa à la fois l’avènement du genre concerto et le début de la renommée du « prêtre roux » en Europe. Alliant la fantaisie (« estro » signifie imagination) à l’harmonie en tant que système de composition, le titre de ce recueil de douze concerti pour un, deux, trois violons peut être interprété comme le désir d’associer l’extravagance aux principes conventionnels de l’écriture musicale. En 1963, sur cette partition audacieuse, le chorégraphe John Cranko (1927-1973) créa « L’Estro armonico » pour le Ballet de Stuttgart, dont il était le directeur artistique. Sans artifice, précis et diablement technique, cet ouvrage entrera au répertoire du Ballet Théâtre Français de Nancy en 1979. Dès l’année suivante, j’aurai l’occasion de l’interpréter un grand nombre de fois. Les difficultés imposées par la chorégraphie n’étaient pas simple à maîtriser, se lancer était parfois une épreuve, une sorte de chemin de croix. Un soir, en pleine ascension, incapable de dépassement, j’éclatais en sanglots. C’était trop ?
Comme tout auteur met de lui-même en plongeant dans sa propre existence, Estro en reprenant les trois concerti choisis par John Cranko, additionnées de fragments du « Stabat Mater (RV 621) » écrit par Vivaldi en 1712, fait souvenir de cette anecdote pour ensuite inventer. A l’origine, afin de marquer un désir d’élévation et traduire les efforts à accomplir pour parvenir au sommet d’une montagne, vue comme le lieu privilégié de la rencontre entre le ciel et la terre, sur une toute autre partition et comme une image symbolique, il était question d’utiliser les tabourets employés naguère dans certains ballets pour composer le bouquet de poses finales. Mais, le choix de Vivaldi et la raison spirituelle du « Stabat Mater (La Mère se tenait debout) », qui célèbre la compassion de la Vierge aux douleurs de son fils crucifié, ont conduit à lâcher cet artifice pour un autre : des lanternes bricolées dans des pots de peinture. Sans doute, mieux aurait valu se débarrasser du super superflu, d’autant qu’en ouvrant à une joie intime, profonde, indéfinissable, la musique de Vivaldi permet d’approcher les cimes de l’être. Mais comme l’écrit le dominicain André Lendger (1929-2005), aumônier des artistes, qui dans les années 1970 exerça aussi son ministère auprès du monde de la nuit : « Il est plus facile aujourd’hui de gravir un sommet de 8 000 mètres que de monter de quelques centimètres à l’intérieur de soi. » « 

– THIERRY MALANDAIN

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